Ne craint rien car rien n'est jamais perdu. T'essaies au fond de toi de garder un semblant d'optimisme, de croire, qu'un jour, cette douleur cessera. Elle s'envolera, petit oiseau de printemps vers un jour meilleur, très loin de toi. T'essaies de survivre, en t'imaginant ta vie sans ça, sans cette chose vivant dans ton corps. Tu te vois ailleurs, loin de tout ça, souriant, vivant, grandissant. Tu aurais tellement aimé grandir, devenir adulte, gronder tes gosses, douter, pleurer, aimer encore et encore. On ne se rend pas compte que le temps est si précieux, qu'il peut nous être prit d'un simple coup de ciseaux, sur le fil de notre vie. Tu t'en rendais pas compte avant petite Celest. Tu te jouais de la vie, parce que tu étais jeune, que tu avais encore tout à vivre, tout à faire, que t'étais intrépide, niquant le monde, niquant la vie. Embrassant un destin se voulant bon, meilleur. Et puis ta vie, ton corps ... tout s'est brisé, comme un vase ming précieux, que l'on regarde tombé, se fracassant au sol, sans rien faire ... T'es détruite, parce que t'es malade. T'y avais jamais pensé avant, à cette foutue maladie, ça n'arrive qu'aux autres, jamais à une gamine en pleine crise d'adolescence. T'en as tellement voulu au monde Celestine, au monde et à Dieu parce que tu aurais aimé avoir une chance, de pouvoir vivre tes rêves, au moins quelques uns. T'as fais une liste un jour, avec toutes les belles choses que tu devras vivre avant de mourir, vieille, bien au chaud dans ton lit ... Pas ici, pas maintenant Celest. Tu ne peux pas mourir maintenant, tu ne mourras pas là dans ce foutu lit d'hopital, aussi lamentable, aussi mince. Tu veux au moins vivre un peu, assez pour avoir le temps de lui dire tout ce que tu penses à lui, qui est devenu ton souffle de vie. T'auras jamais assez de temps pour tout lui dire.

Tu vis au rythme des gens, de ces bruits, de ces silences, qui font qu'un hopital vit ... Tu vis, essayant de relire ce passage de ce livre bateau acheté dans la librairie de l'hopital. Encore et encore ... T'y arrives pas, t'es fatiguée, beaucoup trop ... Et les lettres s'entrechoquent, s'embrassent, se caressent et tu n'arrives plus à les délier. Tu n'arrives plus à rien, même plus à jeter ce livre aussi loin que ta volonté le voudrait. Tu aimerais hurler Celest, t'arracher les cheveux, exprimer toute cette rage, se stockant petit à petit dans ta cage thoracique fragile ... T'es trop fatiguée pour t'énerver, faut te ménager, reste calme Celest, prend tes foutus médocs Celest, peut-être que tu auras droit à quelques mois de plus sur le foutu compteur de ta misérable vie. Et l'infirmière elle arrive, et tu la regardes, et tu la toises, car finalement ses remarques sur ton manque d'appétit est ta seule vraie distraction de la journée lorsqu'il n'est pas là ... Tu t'alimentes pas, tu ne fais aucun effort, tu devrais en parler avec quelqu'un ... Et toi t'as juste envie de l'envoyer chier, qu'est ce qu'elle peut en savoir, de ce que tu veux faire, de ce que tu dois faire ... T'as juste envie que ça finisse vite. Tu ne veux plus être un fardeau à porter ...

Tu ne veux plus être la fille malade qu'on vient voir le plus possible pour se donner bonne conscience, qu'on regarde, à qui on sourit sans savoir quoi dire parce que la vie elle craint. Tu ne veux plus être cette soeur leucémique qu'on ne vient pas voir parce que finalement contrairement à toi, tes frères vivent, ont une vie que tu n'auras plus jamais. Tu ne veux plus être cette fille qu'il traite ... Tu aimerais tellement que tout soit différent ... Tu aimerais tellement être cette fille capable d'être aimée sans être une bombe humaine. Détruisant tout sur son passage. Nucléaire. Petite Celest, tu t'endors, t'aimerais bien ne plus rien ressentir, te vider de toute cette noirceur, de ce malin vivant dans ton petit corps tremblant. T'arrives plus à respirer, parce que ton coeur bats trop fort ... Parce qu'il est là, à l'entrée. Electrochoc. Foutu électrochoc. Action. Sois différente, avec lui. Il ne viendra plus te voir ... si tu es trop malade ... si tu n'en vaut plus la peine ... si tu es une peine perdue ... ennuyante. Alors tu souris malgré tout, malgré la douleur et tu redeviens cette Celest, Celest vivante, amoureuse d'un homme que tu ne pourras ... finalement ... jamais avoir. "Hello ... Tu vas bien ?" T'as mal, ta tête elle tourne Celest alors tu parles encore, parce que tu n'as pas envie qu'il te retourne la question ... parce que tu n'as pas envie de lui mentir, en disant encore une fois que t'es optimiste, que tu vas t'en sortir, c'est faux. "J'ai été chercher un livre à la librairie en bas, la couverture me plaisait bien avec ces couleurs pastels mais il est ignoble ... Un peu trop fade pour moi, j'en suis à la moitié du livre et rien ne se passe ... aucune douleur ... une histoire d'amour sans ... saveur. Totalement irréelle ..." Et tu bégaies, et t'as envie d'appeler à l'aide, parce que tu te noies, pas devant lui, faut que tu restes à la surface, lorsqu'il est là. Tu ne peux pas dormir, pas te reposer, pas maintenant. Tu veux gâcher aucune seconde, aucune minute, jamais. Jamais avec lui. "Une histoire d'amour sans douleur, sans obstacle, ce n'est pas de l'amour ..." Tu baisses les yeux, tu te perds dans la couleur marron de tes draps "N'est ce pas ?" Tu respires enfin, t'es haletante, et t'as juste envie de sa main, dans la tienne pour garder le cap. Calme toi Celest. Et là, finalement t'es bien, t'es optimiste. Tu as  aimé un être de tout ton cœur et de toute ton âme et pour toi c’est plus que suffisant. Tu l'aimes Celest..

AVENGEDINCHAINS